a travaillé par le vide. Sobre comme l'eau, il s'est tenu là où les expériences se perdent. Silencieux comme le Grand Silence, vide comme le Grand Silence, indéterminé comme lui, non spécifié comme lui. Il a renoncé aux mots lorsque ceux-ci se sont révélés trop adéquats. Il a senti qu'il fallait être en-deçà. Sa vacuité était un signal que n'ont pas su saisir les logicistes. Car, du Grand Silence, il fallait des oreilles assez fines pour l'entendre. Mais eux, à coups de rien, l'ont muselé.
À présent le vent porte ses prédicats. Le soir dissipe ses doutes. La faim de l'univers se dispute sa gloire. Les vers s'attablent à son aliment. C'est que de toute manière tout contient tout. Un lointain disciple confondit un cannibale qui se repaissait indûment du corps de la doctrine. « Ce que vous faites est répugnant ! Comment pouvez-vous vous nourrir de chair humaine ? —— Mais cette chair est faite de ce qui compose les bêtes et les plantes, et encore de l'eau et des minéraux. Et les bêtes et les plantes sont à leur tour faits de terre et de cette chair. Il n'y a rien qui ne soit dans autre chose, et en ce sens, tout le monde est cannibale, vous autant que moi. »
Le maître avait une parole mais sa parole était une anti-parole. Il l'agençait dans le but de désagencer, ou dans le début d'agencer. Ceux qui ne voient pas la machine là où elle se trouve sont insensibles à la poésie du monde. C'est parce qu'il désenseignait que l'enseignement du maître pouvait porter.