les filles matérialistes

En ce temps-là, « matérialiste » était un gros mot.  On appelait ainsi les gens qui ne comprenaient pas que leur intérêt

	intérêt —— Une foule d'étants converge au voisinage de la question de l'intérêt, c'est ce qui en soi est même intéressant; mais si la question de l'intérêt a pu se poser, c'est que le monde recélait de la valeur, et si la question de la valeur a pu, non pas seulement se poser, mais même être interrogée un instant du point de vue de la non-valeur, c'est que le monde recélait du vide, ô, toute la dimension du nihilisme !   Or, puisque du fond des temps, tu es là à me lire, lecteur, c'est que le vide, le néant, le nihilisme a reculé, ne serait-ce que pour un temps, mais, en vérité, pour tous les temps...   Si ce temps n'en est pas persuadé, baste, il le saura !   Et si tu en doutes, ce n'est que parce que se manifeste encore la temporalité du doute, mais, puisque tu es venu à échouer sur ces étonnants rivages, il te reste à prendre le temps en main, oh! comme si cela relevait d'une quelconque difficulté !

allait de pair avec celui d'autrui : cela ne voulait pas du tout dire quelqu'un qui plaçait sa foi dans les infinies potentialités de la Matière.  

Et en ce temps-là encore, les hommes des milieux déconsidérés, —— appelés « jeunes de banlieue » ——, s'attifaient de vêtements dits « de marque », dans une folle quête de paraître, quand bien même ils n'avaient que peu d'argent.  Et pourquoi, leur demandait Escape ?  

« C'est parce que les filles, elles sont matérialistes.  Si tu ne t'habilles pas avec des marques, elles pensent que tu es fauché, elles ne s'intéressent pas à toi. »  

Quelle situation : l'homme devient matérialiste car la fille l'est, dit-il, et, pour séduire, il se laisse séduire par pareil « argument ».  Mais, que se serait-il passé si l'un de ces garçons avait décidé que sa dignité propre valait plus à ses yeux que le succès auprès des demoiselles

	demoiselle —— La vie s'écoule en un rhythme qui varie du lent au saccadé, selon qu'on fasse ou non ces rencontres.   Mais qu'est-ce qui décide de la rencontre ?   Une confluence d'allants dans le même sens, une nécessité de sens... Alors on peut dire que la rencontre a lieu (mais qui sait ce qu'elle donnera —— au fond ?).   Pour maint chercheur, la rencontre prend la forme d'une oiselle, d'une oisive, d'une dame oisive, d'une damoiselle... ou encore d'une occasion, d'une heure, d'un leurre, d'une perplexion [ainsi appelons-nous une perplexité qui se dévide sous les lueurs évitantes d'un soleil qui passe].   Cette oiselle, cette demoiselle, en soi ne dit rien, sa tâche dans le monde est plutôt de poser un problème.   Mais, un problème qui est posé, n'est-il pas fait pour être résolu ?   Le chercheur en question pourrait se croire résolu, lui aussi : de là, bien des erreurs, mais aussi, bien des ouvertures.

 ?  N'eût-il pas passé auprès de ces dernières un message de je-m'en-foutisme et d'indolence si fort, qu'elles en eussent été impressionnées ?  Et que, certaines d'entre elles, —— pas toutes, certes, mais, au fond, celles qui valaient le plus ——, se fussent alors laisser séduire par ce garçon qui avait tant de volonté, tant d'indépendance, tant de charisme ?  

* Question ! *

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