a travaillé par le vide. 2Sobre comme l'eau, il s'est tenu là où les expériences se perdent. 3Silencieux comme le Grand Silence, vide comme le Grand Silence, indéterminé comme lui, non spécifié comme lui. 4Il a renoncé aux mots lorsque ceux-ci se sont révélés trop adéquats. 5Il a senti qu'il fallait être en-deçà. 6Sa vacuité était un signal que n'ont pas su saisir les logicistes. 7Car, du Grand Silence, il fallait des oreilles assez fines pour l'entendre. 8Mais eux, à coups de rien, l'ont muselé.
9À présent le vent porte ses prédicats. 10Le soir dissipe ses doutes. 11La faim de l'univers se dispute sa gloire. 12Les vers s'attablent à son aliment. 13C'est que de toute manière tout contient tout. 14Un lointain disciple confondit un cannibale qui se repaissait indûment du corps de la doctrine. 15« Ce que vous faites est répugnant ! Comment pouvez-vous vous nourrir de chair humaine ? 16—— Mais cette chair est faite de ce qui compose les bêtes et les plantes, et encore de l'eau et des minéraux. 17Et les bêtes et les plantes sont à leur tour faits de terre et de cette chair. 18Il n'y a rien qui ne soit dans autre chose, et en ce sens, tout le monde est cannibale, vous autant que moi. »
19Le maître avait une parole mais sa parole était une anti-parole. 20Il l'agençait dans le but de désagencer, ou dans le début d'agencer. 21Ceux qui ne voient pas la machine là où elle se trouve sont insensibles à la poésie du monde. 22C'est parce qu'il désenseignait que l'enseignement du maître pouvait porter.