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sur la prise de parole en public





Angoisse-de-dire s'adresse à Éclairant : « La presse dans le monde autour de nouvelles de grand import, la nécessité de se faire autant que de donner son opinion, la manière dont ainsi on concourt à l'élaboration de la nouvelle société, tout cela ne me laisse pas en repos, car j'ai bien mon opinion, et du reste je saurais la justifier, mais elle est si étrangère au sens commun (ou peut-être, devrais-je dire, à l'absence de sens commun) qu'elle ne saurait que me créer davantage d'ennemis, —— ce qui n'est pourtant pas le but recherché.  Or, je dois me dire.  En ce cas, que faire ? »  

Éclairant répond à Angoisse-de-dire : « Se dire n'est pas si pressé que cela, et du reste, pas si nécessaire puisqu'en somme celui qui, ne se disant pas, se réalise tout cependant (ne serait-ce que par le silence imposant autour de lui), d'une certaine manière, n'est-ce pas comme s'il s'est dit ?  Disons ou ne disons pas, ce qui se pose à vous est de gérer les contrecoups d'une parole offensante ou offensive.  Le facteur limitant est la capacité d'écoute de vos contemporains.  En ce sens, c'est plus un exercice de réception qu'autre chose...  Si j'étais vous, je m'investirais dans l'étude des « moments opportuns ». »  

Angoisse-de-dire dit à Éclairant : « Les « moments opportuns » ne se présentent pas simplement, car tout d'abord il y a l'événement, puis généralement la vague d'indignation, les péripéties, les contrecoups et pour finir la doxa.  Je ne suis fort ni en les uns ni en les autres.  Permettez-moi de vous dire que je ne vois absolument pas comment retourner ce courant massif à mon avantage. »  

Éclairant répond à Angoisse-de-dire : « Il y a une parole volumineuse, c'est celle qui se presse dans la presse, il y a une parole de petit impact, c'est celle qui s'insinue d'ami à ami...  Peut-être n'est-il pas nécessaire que vous contaminiez d'influence : soyez simplement vous-même, avec ceux avec qui vous discutez.  Je pense qu'à terme, c'est l'évidence de chacun qui se cristallise en mouvement d'opinion.  Les idées voyagent plus et mieux qu'on ne pense...  Si vraiment vous cherchez une tribune pour des idées détaillées et trop fines pour le réseau, un site éloigné du grand remugle vous fournira ce qui est nécessaire.  En ce cas, faites en sorte que vos propos fassent débat, et ne craignez pas de devoir vous expliquer. »  

Angoisse-de-dire dit à Éclairant : « Mais ce qui me gêne est l'import émotionnel de certaines questions, qui en interdisent tout débat serein.  Est-ce une question de maturité, mais mes contemporains ne sont pas capables de raisonner quand leurs yeux se brouillent, leur cœur s'emplit, leurs oreilles bourdonnent; et, en plus de tout cela, les médias de masse sont tel un Juge qui prononcerait la sentence avant que le procès ait été conduit à son terme...  Ne suggérez-vous rien quant à cela ? »  

Éclairant répond à Angoisse-de-dire : « La pratique de la parole en public est en soi tout un art, comme est de faire voguer une voile par grande tempête...  Éduquer des animaux rebelles à tout ordre, c'est ce que ressent le fermier en difficulté, comment ne seriez-vous pas en pire situation que lui ?  Mais, alors que le sage a quelque chose de fondamental à dire, il s'efforce toujours de le faire passer, mais s'abstient cependant de le prononcer si les temps sont à la fureur collective.  Toute parole a son contenu, son impact, mais aussi son temps propre.  Apprenez à vous maîtriser vous-même, c'est encore ce qui est le mieux. »

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  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
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