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Car par exemple, par démons, nous pouvons entendre tous les genres d'êtres qui peuplent la nature, les catégories —— en un sens. Ainsi, au cours d'un voyage, je voyais défiler une multitude d'arbres entre lesquels, c'était manifeste, existaient de nombreuses différences. Mais j'étais incapable d'aller plus loin et de coller un nom à toutes ces nuances. L'eussé-je pu que le monde aurait été pour moi aussi fourmillant qu'il peut l'être pour un botaniste. D'une manière générale —— nous n'arrivons à vivre (c'est-à-dire : à user du monde) que parce que nous ne sommes pas précis plus qu'il n'est nécessaire. Un monde dans lequel tous les démons seraient manifestes, —— autrement dit : dans lequel tout serait vu avec la précision ultime ——, ne serait pas constitué de noms communs, mais d'une infinité de noms propres. Il ne serait pas utilisable (l'existence serait impossible).
Une autre interprétation de la même sentence les démons qui peuplent l'univers sont les enchaînements de causes et d'effets. Un sujet qui aurait devant lui, non pas les seuls enchaînements qui le concernent, mais la totalité des causes qui ont agi depuis l'origine (l'origine des temps ou même seulement son origine à lui, le sujet) serait dans l'incapacité de suivre une seule ligne de conduite cohérente, terrassé qu'il serait devant la vérité. L'existence serait donc bel et bien —— impossible.
Et ce ne sont pas là les seules lectures possibles. Le grand style ? C'est de factoriser les explications.