Au gré de l'espace mental
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Comme j'aimerais naviguer sur la mer du vécu, et y tracer sans complexe de nouvelles routes !   Mon paysage mental, comme autant d'aires boisées, de plaines, de vallées et de tranchées, qu'il est toujours à se reconfigurer autrement.  

     —— Mais cela est possible, de ce que ce paysage se modèle suivant la propre règle de lui-même.   Certains chemins, menant de telle image à telle autre, sont plus souvent empruntés que tels autres; or, ce sont les chemins qui ont jadis été les plus empruntés qui le seront encore davantage à l'avenir, pris ensemble; et, des chemins empruntés jadis et de ceux empruntés naguère, ce sont encore ces derniers qui se voient creusés davantage((??))

    
Cette page lance le chapitre intitulé « Au gré de l'espace mental ».   Si les quatre premières pages du chapitre (incluant celle-ci) semblent sans rapport les unes avec les autres, tandis que les deux pages suivantes lancent le topos, puis ensuite, les autres pages le développent... il s'agit là d'une apparence trompeuse.  

En vérité, les 27 pages de ce chapitre manifestent une profonde unité.   Ce qui est donné d'une manière très évasive —— afin d'inciter les lecteurs à élaborer par eux-mêmes sur la base des quelques principes énoncés —— c'est tout simplement une nouvelle vision du psychisme humain.   Appelé « l'âme » et « ce que l'âme a de calculable », ce psychisme obéit à des règles qui n'ont pas été soupçonnées à ce jour.   Elles sont ici évoquées, non pas simplement dans un but d'érudition, d'ailleurs, mais parce que la compréhension des principes qui sont à l'œuvre est au fondement d'un nouvel
art de vivre.  


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Des images insistantes tapissent les murs de ce hall.   En fait, on pourrait bien marcher des unes aux autres, à n'en plus finir.   Cet imagier, c'est un prétexte à cheminements multiples, ce qui ne serait pas possible si chaque image n'était au centre de son petit paysage local.  

     —— Chaque image vaut de par elle-même, et se tient là où elle signifie.   C'est pour cela que l'imagier peut être.   Étant ce qu'il est, il autorise un complexe de significations, du fait de tous les uplets d'images qu'il assemble nonchalamment.   Oui, vraiment, ce sont ces phrases d'images voisines qui forment le tissu de mon paysage mental((??))

    
Une des thèses présentes dans ce passage (ce n'est pas la seule), est que l'âme agit sur la base d'un système hypertextuel.   Mais, ne pourrait-on pas retourner ce principe, et dire : là où nous sommes capables de concevoir des hypertextes dotés par surcroît de riches potentialités, de riches qualités qui permettent de mettre en valeur l'inter-relation des représentations... n'a-t-on pas quelque chose qui ressemble au squelette d'une âme (non à l'âme elle-même) ?  


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Il faut comprendre que tout ce qui est donné du vécu se trouve entreposé dans un certain débarras, mais pas n'importe quel débarras.   C'est un endroit où le désordre est si grand, qu'il confine à l'ordre.   En effet, tout se tient suprêmement, de ce que chacun zyeute expressément vers tout ce qui le concerne, et donc, si l'on se souciait d'un seul ou même seulement de quelques uns, il suffirait d'aller gêner ceux qui sont concernés par leur groupement pour qu'aussitôt ceux-là se vissent passer au premier plan.  

     —— C'est certainement l'expressivité interne de ce remarquable bric à brac qui explique tant de choses concernant sa capacité à toujours faire feu de manière opportune.   C'est là le charmant remugle.   Et nous pouvons le cerner abismalement sitôt qu'avec humilité et gagne nous sommes capables de comprendre la manière dont nous rouageons nous-mêmes.



Mais peut-être devrais-je dire que le nœud de toutes ces considérations réside dans le rapport des parties au tout ?   Celui qui sait résoudre cette question : « comment des parties émerge le tout ? », a dénoué l'essentiel des questions relatives à l'âme, ou en tout cas, à sa partie calculatoire, ceci pris dans un sens très étendu((??))

    
Le rapport des parties au tout est la question-clef de toute science humaine, de toute science sociale, de toute neuroscience.   C'est en fonction du type de réponse, plus ou moins simpliste, qu'une théorie apporte à cette question... que l'on reconnaît la valeur humaine plus ou moins grande de cette théorie, sa portée devant l'éthique et l'esthétique, sa grandeur devant les siècles.  

Les hommes ont, à l'heure où j'écris ces lignes, devant eux et pour un avenir qui dure longtemps, la tâche monumentale d'élaborer plusieurs visions théoriques cohérentes capables de représenter ce que sont la liberté, le déterminisme, la potentialité, la réalisation, la partie, le tout, l'abstrait et le concret... face à ce qu'est, centrale, cette fameuse question-clef.  


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     —— Et cela est nécessaire, de dire qu'on entend le mot « calcul » dans un sens très étendu, tant y a de méfiance et de mauvaise compréhension à son sujet.   Mal nous fait cette mésentente, car ce n'est pas rédhibitoire, pour notre âme à ce niveau d'être calcul.   Et, celui qui se récrie, il ne sait ce qu'est le calcul, pas plus que la puissance du corps, on ne l'a encore pleinement comprise à ce jour.



Je vais donc chanter, pour le bien de l'humanité, la chanson de comment les parties s'assimilent les unes aux autres en un tout qui les dépasse.   La chanson holistique.   Et l'on entendra, partant de cela, comment l'homme peut gouverner son âme dans le but de la rendre plus harmonieuse, et l'on chantera, à son tour.   Et l'on utilisera cette connaissance pour se rendre meilleur et pour améliorer autrui, et encore l'entredeux, ce monde interpersonnel de la relation, où gisent tant d'êtres semi-nocifs en hostile repli.  

     —— Il faut pour cela entendre ce calcul que je vais dire, il faut se pénétrer de sa nouveauté.   Car, je m'adresse aux enfants de cette génération, et leur entendement est borné.   Il est temps qu'ils se défassent de conceptions erronées qui les limitent, qu'ils accèdent à une plus pure lumière de l'étant.   Ensuite, sans doute, ils devront en faire usage.



Comme cependant avant de commencer je dois préparer mon terrain, et dire, de ce qui en l'âme se calcule, quels sont les sept fondements !   Car, cela est absolument nécessaire, et l'on ne saurait me comprendre sinon.  

     —— Donc, ces sept fondements sont : —— la situation, —— la connexion, —— la directionalité, —— l'usage, —— l'émergence de masse, —— l'entraînement, et —— la souffrance.   Si l'on considère n'importe quel événement de la vie psychique, qu'il s'agisse d'un événement infime et comme qui dirait atomique, ou bien d'un événement-cascade de tels événements infimes, qui soit, lui, comme un torrent inextricable d'éléments conjoints, quoi qu'il advienne, que l'on considère l'un ou l'autre, on retombera sur ces sept fondamentaux.



La situation, c'est que chaque élément de la vie psychique a sa coordonnée, et vaut depuis sa coordonnée.   Ceci, aussi bien pour les événements atomiques (façon de parler, car aucun ne l'est), que pour ceux qui sont loin de l'être...   La situation, c'est de dire que la vie psychique prend place dans un espace, espace mental mais espace néanmoins, espace qui donne occasion à chaque unité de se présenter topologiquement relativement à toutes les autres.   Et dans la situation, il y a les prémices de la connexion...  

     —— L'on se demandera s'il faut que la situation prenne place dans un continuum ou dans une discrétude...   Eh bien, que t'en semble ?   Est-ce d'un continuum que nous avons besoin, ou pas plutôt d'une discrétude ?   Est-ce d'un graphe que nous avons besoin, ou pas plutôt d'une variété ?   Peut-être cherches-tu à mixer les deux...   Quoi que tu entreprennes, il te faudra poser en premier la situation.



La connexion, c'est que plusieurs points situés de l'espace mental (celui-là même qui sert de tope à la vie psychique) peuvent se lier les uns aux autres, souvent deux par deux, mais aussi bien trois par trois ou plus par plus.   Et donc, ces points noués entre eux forment des groupuscules qui se tiennent comme une unité qui tend à activer la totalité de ses participants, du fait que ses participants sont déjà en grande partie activés.  

     —— C'est par la connexion qu'il peut s'établir des rapports entre les choses, —— ce qu'on appelle « les choses » n'étant jamais qu'élaborations très lointaines à partir des points les plus basiques de la vie psychique.   L'âme, cette grande créatrice de choses... et de relations, les relations se basant sur le fondement de connexion, en cheville, comme je le dirai bientôt, avec le fondement de directionalité.



La directionalité, c'est que certaines des connexions qui ont lieu privilégient certains de leurs axes en certaines de leurs directions, afin de faciliter leur lecture pour tirer de ce qui est tout comme un prédicat complexe (quoique nous soyons encore bien en-deçà du prédicat) l'équivalent de variables d'un certain type répondant à un certain rôle (tout comme des actants, bien que nous soyons encore bien en-deçà des actants).  

     —— Un arrangement moléculaire de points psychiques ne se présente pas comme un nœud indifférencié, mais bien comme une petite structure qui distribue ses rôles dans l'espace.   Et, ce qui assure la lecture de ces rôles, ce sont des points supplémentaires qui géométrisent le rapport final, ainsi, avec cinq points, on peut donner un point central, deux points en périphérie, et deux points servant d'étiquettes à ces deux points périphériques.



Non seulement tout événement de la vie psychique est cascade d'unités qui sont autant de points dans l'espace mental, mais chacun de ces points crée derrière lui un sillage d'occurrences temporelles qui en déterminent les usages.   Et ces usages, il se fait très clairement qu'ils enregistrent une plus grande motricité du point en question, quand celui-ci a été plus souvent sollicité, soit beaucoup plus en un temps récent, soit beaucoup plus à plus longue échéance.  

     —— L'usage est donc comme une mémoire qui enregistre jusqu'à quel degré chaque point de l'espace mental aura été sollicité.   Il y a donc, comme je le dirai, un certain rapport entre l'usage et la souffrance, car le but de la souffrance est de mettre en garde contre les connexions malheureuses, et le contournement de la souffrance (que devrait rechercher l'entraînement) est de vouloir diminuer les sollicitations funestes, lesquelles sont là du fait de l'usage.



Tout ce qui est vécu au flot de l'âme se voyant être en un point de l'espace mental, d'où certes il irradie et se meut continuellement vers les points voisins, alors il s'ensuit de cela que la vie psychique est un vaste pêle-mêle où un peu de tout rencontre un peu de tout.   Et même s'il advenait que ce pêle-mêle était vraiment un grand n'importe quoi où tant d'unités seraient reliées à tant d'autres sans considérations de types congrus, mais uniquement par la très-lâche « association d'idées », alors, même dans ce cas, ce ne serait là qu'un charmant remugle, car ce vaste pêle-mêle de lui-même resterait exploitable.  

     —— Et voici pourquoi : du sein du pêle-mêle, isole, mettons, quatre choses qui en appellent une cinquième et une sixième.   Par connexion, nous savons déjà qu'il est une unité intégrant ces six quelque part.   Donc, il suffit, pour récupérer les six à partir des quatre, de faire en sorte que chacune déjà allumée allume toutes celles qui sont à sa portée, et de considérer les deux du lot qui reçoivent le plus d'éclat.   C'est ainsi qu'il est toujours exploitable, le charmant remugle.



Il y a un petit ressort en l'homme, qui a nom volonté.   Et, bien que je ne souhaite pas rentrer dans l'examen de ce ressort ni du ressort de ce ressort, je dirai qu'il a trait en partie à notre « parce que », sinon totalement.   Tout dépend de ce qu'on met derrière ce « parce que ».  

     —— Mais une chose fait bien consensus, c'est que certains points de l'espace mental en appellent d'autres selon un principe d'aspiration consécutive.   Certes, cela reste domestiquable.   Mais c'est parce que cela existe comme un fondement que c'est domestiquable.



Pour achever ma présentation des sept fondements de ce que l'âme a de calculatoire, je parlerai de la souffrance.   Il faut entendre par là, non seulement le plaisir et la stimulation positive, mais aussi la douleur et la stimulation négative, ainsi, à échelon supérieur, que tout ce qui en découle, tel que le délice ou le dégoût par exemple.  

     —— Les chaînes d'entraînement de points à points engrangent des quantités de souffrance qui sont relatives (elles peuvent être affublées aussi bien du signe plus que du signe moins).   L'être vivant s'efforce de minimiser sa souffrance —— même s'il est masochiste, car alors il éprouve plus de plaisir à jouir de sa souffrance qu'il n'éprouve de douleur à souffrir.   Ce sont les valeurs de souffrance liées à celle de l'usage et de l'entraînement, qui décident du cheminement et de la récurrence des connexions.



Il y a certaines idées qui en l'être vivant sont récurrentes.   Tout d'abord, on doit voir un point de rassemblement partout où plusieurs points se rencontrent au sein d'une certaine unité, comme c'est par exemple le cas de deux points qui se ressemblent, deux points qui s'opposent, deux points qui s'épaulent, deux points qui se combattent, deux points qui ont un rapport d'association d'idées, deux points formellement proches l'un de l'autre, ou encore plusieurs points qui font partie d'un même dicton, d'un même souvenir ou d'une même expérience reconnue.  

     —— Ce sont là des points de rassemblement, qui accumulent en eux la charge de tous les points qui se rencontrent en eux.   C'est par ces points de rassemblement que l'espace psychique, l'espace dans lequel baigne l'âme de l'être vivant, se voit affecté d'une certaine topographie, car ces points sont le liant entre tous les points.   Je vais dire maintenant en quoi cela s'applique à « la vie des points ».



L'âme en ce qu'elle est calculable repose le principe de son activité sur la coactivation des points de l'espace mental.   Chaque fois qu'un point de l'espace mental se voit un tant soit peu considéré, c'est tous les points voisins d'icelui qui se voient considérés à leur tour, à un degré certes un peu plus faible.   C'est comme un pan de toile qu'on soulève en y posant un piquet : cette portion de toile tend à soulever les portions voisines, en créant un petit mont.  

     —— C'est par cette coactivation que toute idée tend à activer en même temps qu'elle-même toutes les idées connexes, toutes les idées contraires, toutes les idées amies, toutes les idées ennemies, toutes les associations d'idées qui s'enchaînent à partir d'elle, et ainsi de suite.   En effet, toutes ces idées sont des nuages de points qui sont voisins des points déjà activés, via les points de rencontre.   Je vais dire maintenant en quoi cela crée des idées récurrentes en l'être vivant.



Aussi loin qu'on remonte dans le temps, cet ensemble de points que fut l'être vivant (je veux dire : son âme en ce qu'elle a de calculatoire) possédait quelques points plus activés que d'autres, ceux-ci ou bien ceux-là, et telle était sa conformation.   Mais, du fait que tels points sont allumés et non tels autres, ce sont tels points et non tels autres qui viennent à se voir allumés à leur tour par cet effet d'entraînement.   Ainsi, l'être vivant suit son cours et chaque cycle de temps apporte avec lui de nouvelles images.  

     —— C'est pour cela que certaines idées sont récurrentes.   On peut voir l'effet d'entraînement comme le dévalement par des animaux d'une étendue de terrain où ils privilégient certaines pistes.   Or, certaines pistes tournent tout simplement en rond, si bien que celui qui les emprunta une fois les empruntera bien plus encore par la suite.   Ce sont des attracteurs.



À supposer qu'on veuille se guérir de récurrences néfastes qui polluent son âme, on ne saurait le faire en s'imposant des idées contraires, ou ennemies, ni même des médicaments qui viennent, par l'idée, attaquer l'idée elle-même.  

     —— En effet, une idée contraire à l'idée néfaste sera un nuage de points relié au nuage de points néfaste par des points de rencontre (les points par lesquels les idées s'opposent ou sont en lutte).   De sorte que, même si lutte il y a, chaque fois que l'idée prétendue salvatrice sera activée, elle réactivera sournoisement l'idée néfaste.   Ainsi, il est impossible de jamais guérir par une attaque aussi frontale.



Comme chaque idée est comme un ensemble de points élevé d'où l'on tombe vers les points les plus proches qui ont un dénivelé envers eux, et comme allumer une idée ennemie ne fait qu'entretenir la montagne funeste, on ne peut lutter contre l'idée funeste en recourant à une idée ennemie (ou, si on le fait, cela ne peut avoir d'effet qu'à court-terme, et, à long-terme, se révéler en réalité plus destructeur, peut-être, que l'inaction).   Mais, ne rien faire, c'est se soumettre aux récurrences que l'environnement nous sert, et l'environnement est comme qui dirait mal intentionné (quoiqu'il soit sans intention).   L'environnement est tout simplement mal conformé, c'est-à-dire qu'avec l'environnement seul, en général, les récurrences néfastes tendent en effet à revenir.  

     —— Il faut donc bel et bien agir, mais on ne peut pas mener d'attaque frontale.   Il faut mener une attaque latérale, et dire laquelle, c'est ce que je vais exposer, encore faudra-t-il me suivre avec soin, car l'expérimentation en ce domaine n'est pas sans danger.   Donc, à moins de bien se connaître soi-même, et d'avoir auparavant bien développé sa capacité d'introspection et son soupçon vis-à-vis de tout, l'on ne saura rien faire de ce que j'apporte.   Et c'est aussi pourquoi ne seront jamais heureux ceux qui renoncent à se comprendre eux-mêmes.



Chaque idée dont on veut se débarrasser étant comme un mont qui s'écoule funestement vers tant d'idées voisines, —— et, par connexion, ces idées voisines s'écoulant à leur tour vers ce mont, si bien que par elles il gagne en puissance ——, la guérison de l'être vivant revient à se débarrasser de ce mont, ce qui veut dire en pratique par aplanir le paysage à l'endroit où repose son éminence.  

     —— Il n'est pas possible de diminuer la hauteur (ou la profondeur) du mont à l'endroit où il se trouve, mais on peut creuser tout autour de lui pour annuler sa déclivité.   S'il était possible, là où le mont pointe vers sept serviteurs, de créer quarante-deux serviteurs de plus, le mont deviendrait sept fois moins puissant, donc, sept fois moins pernicieux.   Ainsi, en multipliant à loisir les associations d'idées que nous avons au voisinage de l'idée néfaste, nous pouvons annuler l'emprise de cette dernière.   Je vais même me montrer encore plus précis.



Sitôt que le mont néfaste est aplani, il est même possible de creuser un mont faste, car alors il suffit de se donner les associations d'idées qui sont voulues comme donnant le résultat positif.   Mais cela, est en théorie vrai seulement.   Car en réalité, personne ne maîtrise complètement ses associations d'idées, et, là où l'on contourne l'attaque frontale en ne recourant pas à des associations d'idées directes, mais plutôt à des associations d'associations, ou associations de second ordre, là encore, les associations néfastes savent creuser leur trou, et continuent de se manifester au troisième ordre((??))

    
Prenons par exemple le cas de quelqu'un qui aurait déjà par le passé ingéré des cachets pour se suicider, soit à une, soit (de manière plus probante encore) à plusieurs reprises...   Cette personne, de par sa pratique passée, a créé en elle un lieu d'association mentale entre « les cachets » et « le suicide ».   Ainsi donc, à chaque fois qu'elle prendra des cachets, —— quand bien même ce serait pour son bien ——, elle réactivera le geste suicidaire dans sa praxis.  

Cette personne, il est probable, verra tout jeu de cachets comme un objet qui lui rappelle insidieusement son autolyse, et il est à gager que même lorsqu'elle n'a aucune envie de se suicider, elle ne peut se trouver à proximité de cachets sans entendre en quelque sorte ces médicaments lui rappeler que le suicide est « toujours possible ».  

Ainsi, nous voyons qu'une expérience passée (et en l'occurrence, une expérience de grands poids, mais cela s'applique en fait aussi bien à de « petites » expériences) crée une unité semantico-pragmatique qui irradie de là où elle se trouve vers toutes les autres associations mentales disponibles.   Le travail à effectuer est d'annuler l'impact négatif de cette irradiation.  

Mais comment faire ?   Ce qui se trouve est une association donnée, bien entrenchée :

cachets
suicide

Ce qu'il faut réaliser, c'est de rendre obsolète cette association.   La seule arme qui est à notre disposition, c'est le fait de pouvoir créer de nouvelles associations.   Supposons par exemple qu'on réussisse à associer « cachets » à « bien-être ».   Cela revient à créer une nouvelle liaison :

cachets
bien-être

Cela sera-t-il efficace ?   * La réponse est NON *   En effet, « bien-être » étant en quelque sorte l'antonyme de « suicide », ces deux termes s'appellent eux-mêmes l'un l'autre, si bien que ce que l'on a créé est en fait la trirelation suivante :

cachets
bien-être
suicide

Cette trirelation est pernicieuse, car chaque fois que l'individu souffrant interagit avec des cachets, il pense à la fois « bien-être », qui est activé par sa reprogrammation mentale, et « suicide » qui est son ancienne programmation plus la liaison d'antonymie entre bien-être et son contraire...   De sorte qu'en fait, nous n'avons absolument pas guéri l'individu de son obsession, nous l'avons juste un peu compliquée.  

Quelle sorte d'associations d'idées peuvent alors, s'il en est ainsi, venir en aide à une personne qui souffre d'associations néfastes ?   La réponse est que l'on doit « forer » l'espace des associations mentales dans des directions « perpendiculaires » à l'association d'idées néfaste.   Quant à exposer de quelle manière on s'y prend, c'est plutôt complexe, et cela fera l'objet d'une autre note.



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     —— Si bien que la maladie est toujours présente là, à quelque degré, et que se reconfigurer de la sorte n'est possible, jamais de manière définitive, et jamais pour les êtres vivants qui ne savent lire en eux-mêmes.   Car, et c'est une difficulté, seul l'être vivant malade est en mesure de se reconfigurer lui-même, pourvu qu'il soit à sa propre écoute, personne d'autre que lui ne saurait le faire pour lui, ni à sa place.



Je me permets à ce point une parenthèse, mais je ne m'étendrai pas.   J'ai mentionné l'espace mental, dans lequel vivent les points.   C'est cet espace qui est le cadre de la vie de cette âme multiple et périssable, en ce qu'elle a de calculatoire.   C'est l'espace de l'être vivant.   Mais cet être vivant est très pervasif, c'est toi, c'est moi, c'est lui, c'est aussi nous tous et c'est encore Cela, car qui sait où il commence et où il finit.   On peut certes le compartimenter, et le limiter parfois à n'être que toi, ou que moi((??))

    
La manière dont a été défini l'espace mental est à ce point générale qu'elle s'applique aussi bien au continuum formé de tous les espaces mentaux de tous les êtres pensants, reliés et médiatisés par les structures agentives (utils matériels).   Ainsi, on doit reconnaître que l'Inconscient du monde se délocalise partout.  

En fait, définir l'espace mental de cette manière (ce n'est au demeurant pas un diktat de la volonté, mais la première étape d'un comportement exploratoire) revient à reconnaître que tout cet espace est hautement pervasif, c'est-à-dire, en somme, qu'il est très ardu de déterminer avec rigueur où commence et où finit « Moi » (ou « Toi », ou « Lui », etc.).  


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     —— D'aucuns se demandent si le monde est objectif, ou s'il n'est que ma représentation.   Eh bien, jamais les partisans du premier ne sauront terrasser ceux du second, et jamais les partisans du second ne sauront terrasser ceux du premier.   Mais, à la limite, qu'importe !   Quelle que soit la densité de rêve qui accompagne cette réalité, la seule chose qui compte est que je vis mon histoire, et c'est vis à vis d'elle que j'ai le devoir.



Pour mettre en pratique ce que j'ai exposé, pour se guérir de ses idées récurrentes, il faut être en mesure de conformer autrement qu'il ne l'est son espace mental, ce qui revient en fait, soit à ajouter ou supprimer des points (mais, en un sens, tous les points sont déjà et toujours là), soit à modifier les qualités de connexion, d'usage, d'entraînement et de souffrance par lesquelles ils sont réunis.  

     —— Comme chaque expérience intégrant plusieurs sensations est le lieu d'un point de rencontre, il suffit pour modifier son paysage mental de se doter (éventuellement de manière tout à fait artificielle) d'expériences conjoignant les points entre lesquels on souhaite forer de nouveaux passages.   Ce processus a cependant ses limites, sur lesquelles je reviendrai par la suite...



Pour celui qui expérimente en ce que j'ai exposé, il faut disposer d'un moyen de lire en soi-même afin de savoir quels sont les changements qui se sont opérés, et si la série des forages qu'il a effectué en son paysage mental s'opère dans la bonne direction, —— ou s'il n'est pas plutôt en train de se fourvoyer.  

     —— Pour cela, il est nécessaire d'être à l'écoute des moindres signaux émanant de soi, c'est-à-dire de la manière dont son inconscient assemble les éléments qui sont à sa portée, car le travail de l'inconscient, comme je le montrerai, c'est la même chose que la structure fine de l'espace mental.   C'est parce qu'il faut être en mesure de décoder (et soi-même !) les signaux de son inconscient pour être en mesure de reconfigurer son espace mental qu'il est nécessaire d'être doué en introspection et en soupçon.   Et c'est ici qu'il est bon de savoir lire ses propres rêves et ses propres lapsus.



Forer de nouveaux passages dans l'espace mental se fait sans intrusion matérielle ni destructrice.   La simple concentration suffit, la violence est exclue.  

     —— Quant aux reconfigurations elles-mêmes, c'est l'examen des rêves et des lapsus qui renseigne sur l'état de son avancement.   Quand un jour suffit s'il s'agit de se doter d'une nouvelle lubie, une bonne semaine est nécessaire pour effacer une lubie qu'on vient soi-même de s'ajouter.   À combien plus forte raison le processus durera longtemps dans le cas naturel !   Et cependant, cela fonctionne...



Je dois cependant mettre en garde contre un aspect de la méthode : ceci a été dit de ce que l'âme a de calculatoire.   Le calcul fait surgir une nécessité d'une autre nécessité.   On l'utilise présentement pour soigner une nécessité aux dépens de telles autres, ce qui sous-entend que les autres sont saines (or, à l'avenir, il se produira nécessairement des gens malades pour fourvoyer le public, et même des gens malades qui prendront prétexte de ce même extrait pour ce faire !).   En définitive, sans la liberté de conscience, aucun bien n'est envisageable.  

     —— De plus, la nécessité qui fait fond sur une nécessité, elle reste dans le cercle du nécessaire, et ne voit pas au-delà.   Or, celui qui a sondé les nécessités, / Escape, / en est arrivé, de la nécessité, à l'inévitable conclusion du saut.   Le saut est inévitable.   L'âme a donc un plus qui n'est pas calculable.



Le système de tout ce qui concourt à la conscience étant donné (c'est-à-dire, autant de points), on verra la conscience d'une seule chose, ou un seul événement, comme la valeur de ce système en un instant, le fil de la conscience comme la différentielle de cette valeur selon le temps, et l'inconscient comme le plan tangent de cette conscience (vu selon les points).  

     —— C'est pour cela que l'inconscient est pervasif, et que rien ne lui échappe.   Et, ce que le monde ancien appelait le Saint-Esprit, cela n'est autre que l'inconscient du monde.



Le monde ne nous prive pas de son inconscient, et nous ne sommes pas laissés à nous-mêmes dans l'univers, mais cet inconscient nous vient en aide, parce que tout ce qu'il intellige, ce sont de vastes considérations qu'il a longuement compilées.  

     —— Ainsi, il est possible d'interroger cet inconscient du monde, et pour lire en soi, et comme aide à la décision.   Il ne se refusera pas à nous.   La pratique des oracles ne doit pas être un obstacle à la raison : cependant elle est elle-même une raison, qui nous permet de lire en nous comme aux rayons X((??))

    
Il peut sembler que la mention des oracles soit résolument antiscientifique.   Elle découle en fait on ne peut plus logiquement des considérations scientifiques qui précèdent.   Ainsi donc, si une certaine attitude qui se croit rationaliste les rejette, c'est cette dernière attitude qui fait fausse route, et c'est le chercheur qui évalue les oracles qui est dans le vrai.  

Nous pouvons préciser cela...   À l'état de veille, l'individu ne cesse de recueillir et d'agréger de nombreux signaux, qu'il traite de moultes façons, afin tout simplement de vivre.   Or il est bien évident que la majeure partie de ces traitements n'affleurent pas à la conscience, et consistent en de multiples opérations « factorisées » sous l'espèce d'un certain nombre de « méthodes » (certaines, rudimentaires).   Il y a donc, et cela est du reste bien connu, la majeure part du psychisme qui échappe à l'emprise de la conscience.  

Cependant, parce qu'elles ne sont pas conscientes, toutes ces entreprises psychiques ne laissent-elles aucune trace ?   Il n'en est rien, elle déposent de petites agrégations, des sortes de traces mnésiques, qui forment ce qu'on appelle l'Inconscient.   Ce calcul surnuméraire crée avec lui son propre objet, et prend place « en parallèle » du calcul de la conscience, ce qui le rend d'ailleurs extrêmement efficace lorsqu'il s'agit d'agréger de manière élaborée un grand nombre de petits faits que la conscience ne saurait envisager de front et dans le détail, tant ils sont nombreux. 

Ainsi, ce que nous avons qualifié d'Inconscient se révèle être un calculateur, et même un calculateur de génie, parsant tous les corpus que la conscience ne traite pas dans le détail, et en extrayant, par les moyens qui lui sont propres (et au sujet desquels l'évolution de l'être humain démontre sans ambages qu'ils sont
pertinents et efficaces), des résultats propre à servir la vie.  

Or, que fait un humain qui, ayant épuisé tous les ressorts qui lui offre la réflexion, ne sait comment aborder un problème ?   Il arrive qu'il s'en remette à un « oracle », entendons par là qu'il va
interpréter une forme issue du hasard afin d'en tirer une ligne de conduite.   Cela *semble* insensé, mais cela ne l'est pas, car, pendant qu'il s'efforçait de toutes les manières de résoudre son problème, son Inconscient, lui aussi, s'est attelé à cette tâche, et cet Inconscient a bien entendu repéré un certain nombre de symétries, de règles, de principes... subtils qui s'appliquent à la situation.   L'interprétation d'une source aléatoire est le procédé heuristique pertinent et efficace par lequel l'humain peut lire, —— comme « aux rayons X » —— dans cet Inconscient, afin de connaître le résultat des compilations mentales qu'il a effectué en arrière-plan, —— à son insu, mais de manière fort sage !  

Ainsi, il est exact de dire que ce que révèlent les cartes, les dés, ou tout autre système est dû au hasard (bien entendu !), mais il est non moins exact que l'interprétation de cet argument aléatoire est entièrement déterministe, et nous donne accès à notre capacité d'inférence la plus profonde (et donc aussi la plus efficace biologiquement parlant).  


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  [Œuvre d'Escape, 1990-2015 (achevée, présentée au monde), auteur initial : Escape, France].  
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